Louis Thomas Achille – L’humanisme français a fait un homme de ce qui n’était qu’un Français,
et ainsi, cet homme reconnaît chez les autres qui sont Russes, ou Chinois, ou Sénégalais, les caractéristiques de l’homme.
Donc, l’humanisme qui a fait la base de la culture secondaire, évidemment supérieure dans l’enseignement français, cet humanisme qui est menacé, cet humanisme permet aux Français d’accueillir les étrangers, et aux étrangers, de trouver avec ces Français, un dénominateur commun.
En plus de cela, il y a le christianisme qui a enseigné aux croyants, la fraternité universelle, l’appartenance à une même famille, avec un seul Père qui est Dieu.
Tout ceci avec ces deux armes : christianisme et humanisme ; les Français qui possèdent ce double héritage, accueillent facilement les étrangers.
Emmanuel Payen – Vous me disiez, presque pour résumer cela, que quand on est Fils de Dieu, ça résout tous les problèmes. Vous vouliez parler du problème racial ?
L.T.A. – Assurément. Pour ceux qui s’interrogent sur leur identité, s’ils ont la chance ou la grâce d’être croyants, alors là, je ne dis pas que les problèmes disparaissent, mais ce qui faisait problème, continue d’exister, sans faire problème. C’est à dire qu’une fois qu’on se reconnaît Fils de Dieu, ceci donne une telle plénitude, une telle lumière, une telle puissance, que tous les autres aspects de la personnalité, sans être effacés, reprennent la place qu’ils peuvent avoir dans un ensemble harmonieux.
Pour employer une comparaison, je dirais volontiers que nous pouvons nous trouver dans la conscience que nous avons de nous-mêmes, dans l’état d’un puzzle à faire ou déjà terminé. Lorsqu’on vide la boite du puzzle sur la table, tous les morceaux sont dans le désordre le plus complet. Pour le réaliser, pour les assembler, pour les encastrer les uns dans les autres, il faut avoir la vue d’ensemble. Chaque morceau n’est jamais qu’une partie d’un tout. Il faut connaître ce tout. De même manière, le croyant qui ne se concentre que sur lui-même, ne voit qu’un des éléments du puzzle ; il ne voit pas l’ensemble. Celui qui est Fils de Dieu, se voit entouré de milliards d’autres Fils de Dieu qui, avec lui et autant que lui, au même titre que lui, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, constituent le puzzle. Avec cette vision d’ensemble, chaque élément peut s’encastrer dans les autres, pour former un ensemble harmonieux où tous les problèmes sont pratiquement résolus, au moins dans la conscience individuelle.
E.P. – Ainsi pour vous, votre foi de chrétien vous a souvent aidé à dépasser ou intégrer ces différences, ces problèmes ?
L.T.A. – Dieu merci, c’est l’œuvre, je crois, du Saint Esprit, que de permettre de lire l’actualité et de vivre les épreuves de la vie en essayant d’y comprendre quelque chose. Il m’a toujours semblé, en effet, que tout ce qui se passe apporte un élément de plus pour construire un certain schéma du monde et de la vie. Ainsi donc, la foi me semble apporter une solution à tous les problèmes humains, par définition d’ailleurs ; c’est presque plus un article de foi.
Le schéma christique, le schéma qu’a apporté le Christ, est la formule dans laquelle l’homme trouve son plus grand épanouissement, se comprend lui-même et comprend les autres, et comprend le monde. S’il refuse ce schéma, il tombe, j’allais dire, dans un certain désordre. Il suffit de regarder certains de nous pour le constater. Ceci ne veut pas dire que tous les chrétiens ont réalisé cet ordre parfait.
Nous savons qu’en effet, il faut avoir assez d’humilité pour le reconnaître, que cet ordre parfait n’est pas totalement réalisable sur terre, nous avons suffisamment conscience de nos propres limites et des limites de tout ce qui nous entoure et nous gouverne, pour savoir que, d’aucune façon, on ne peut le réaliser sur cette terre, le royaume de Dieu dans sa totalité.
Entretien avec le père Emmanuel Payen à Lyon en 1984 (extrait) pour
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