Les 19 et 20 juin 1940 les événements vécus au nord de Lyon trouvèrent une fin particulièrement tragique et barbare pour les « tirailleurs sénégalais » positionnés entre Caluire et Tarare.
L’avancée de l’ennemi allemand, venu depuis Dijon vers la capitale des Gaules sans rencontrer de résistance n’a pu être stoppée ni par le 405ème RADCA de Sathonay, ni par le 25ème régiment de tirailleurs sénégalais, troupes coloniales arrivées là par l’Italie et qui avaient peu combattu.
L’inégalité numérique des combattants qui s’affrontèrent dans un certain nombre de communes situées en Beaujolais donna peu de chance aux défenseurs de la France : dix du côté allemand contre un du côté français. Ces troupes françaises n’avaient pourtant pas été informées que, la veille, la ville du confluent du Rhône et de la Saône avait été déclarée « ville ouverte », après le discours du maréchal Pétain du 17 juin demandant le cessez-le-feu et un armistice. Elles n’avaient probablement pas non plus entendu « l’Appel du 18 juin » lancé depuis Londres par général de Gaulle.
Cette grande confusion conféra à ces combats un caractère dérisoire et d’autant plus tragique qu’ils furent inutiles.
Les allemands firent prisonniers les combattants français et les trièrent entre blancs et noirs parce qu’ils déniaient aux combattants noirs d’une part leur humanité et d’autre part leur qualité de combattants, en raison de l’idéologie nazie. Ils décidèrent de les abattre au plus vite, à l’arme automatique ou au canon des chars, les achevant par une balle dans la tête. Le comble de la cruauté fut atteint quand les blindés allemands furent envoyés pour écraser ces corps noirs dont l’existence même était inacceptable pour les allemands.
Mais c’est l’humanité des habitants de Chasselay qui sauva d’une barbarie complète cette page historique, offrant une sépulture décente aux dépouilles qui ne pourraient jamais retrouver l’Afrique.
Avec l’aide des Chasselois, le secrétaire général de l’Office départemental des mutilés, combattants, victimes de la guerre et pupilles de la Nation, Jean Marchiani, vétéran de la Première Guerre mondiale, acquit ensuite un terrain à proximité du lieu du massacre et fit construire un Tata, cimetière africain dans lequel il fit importer et verser de la terre de leurs pays d’origine, afin que les victimes soient inhumées avec dignité et que leur mémoire soit entretenue.
L’arrivée à Lyon de Louis Thomas ACHILLE quelques années plus tard permit qu’il s’intéressât au sort de ces originaires d’Afrique, tout comme lui, mais pour d’autres raisons. Dans les deux cas, c’est la cupidité ou la cruauté des hommes blancs qui avaient contribué à les amener là : l’esclavage ou la guerre .
C’est ainsi que dès 1947 le martiniquais fraîchement implanté en terre lyonnaise se fit un point d’honneur, souvent dans la discrétion, d’honorer régulièrement ce sacrifice à Chasselay. Dans un second temps il fit de ces hommages un temps de mémoire, de culture et de convivialité avec la diaspora africaine basée dans la préfecture du Rhône et en Isère.
C’est ainsi qu’en 1983 fut créée l’association des Amis de Présence Africaine Lyon, sous l’impulsion de Louis Thomas ACHILLE, de Michel EVIEUX qui avait rejoint sont collègue du Lycée du Parc dès 1973 et de Christian ZONHONCON (Grenoble). Chaque 11 novembre l’hommage permet de célébrer cette mémoire avec l’équipe municipale de Chasselay, au monuments aux morts du village puis au Tata, avec la population locale et avec des membres de la diaspora africaine de la région, avec présence de consuls de différents pays africains, la ville de Villeurbanne, souvent représentée par son maire, et la ville de Lyon envoyant une délégation.
Devenues de véritables temps de rencontre et de partage, ces journées d’hommage s’inscrivent dans le calendrier mémoriel avec celles de Balmont à La Duchère (Lyon 9°) et de La Doua (Villeurbanne), avec le collectif Africa 50.
Jusqu’à sa mort en mai 1994 Louis Thomas ACHILLE fut fidèle chaque année au rendez-vous, y compris quand le Tata était ignoré par beaucoup, avant de redevenir un symbole fort et fédérateur.
Les descendants de Louis T. ACHILLE, sur plusieurs générations, résidant dans l’agglomération ou non, se sont efforcé de reprendre le flambeau comme le fit sa petite-fille Véronique REVILLOD qui assura un temps la vice-présidence de l’association des Amis de Présence Africaine Lyon.
La situation sanitaire de 2020 a fait choisir aux autorités un mode de célébration fermé au public même si une Secrétaire d’État se déplacera sur place le samedi 20 juin à l’occasion du 80ème anniversaire de cette bataille.
Mais rendez-vous est pris au Tata africain, répondant à l’invitation du maire de Chasselay, pour le 11 novembre 2020, puisque ce dernier à invité le président Macron a devenir le deuxième Président de la République à se rendre à la nécropole nationale de Chasselay, après le président Vincent AURIOL en 1949.
50ème anniversaire bataille de Chasselay
photos © L.T. ACHILLE – 1990
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