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11 novembre 2021
Dès 1947, tout de suite après son arrivée à Lyon, le martiniquais Louis Thomas ACHILLE a commencé à venir au pied du Mont-Verdun, au Tata sénégalais de Chasselay (Rhône). Son but : rendre hommage aux combattants africains du 25ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais, morts pour la France, sur le lieu-même de leur massacre. Puis, chaque 11 novembre jusqu'à sa mort en 1994, il organisa cet hommage, avec les associations africaines de l'agglomération lyonnaise, en particulier Les Amis de Présence Africaine Lyon (APAL) qu'il créa au début des années 1980.
En cette journée nationale de mémoire de tous les combattants morts ou blessés pour la France, Jean-Louis ACHILLE et Véronique REVILLOD, fils et petite-fille de Louis Thomas ACHILLE, ont participé une nouvelle fois à l’hommage rendu aux 27 Tirailleurs sénégalais massacrés par les nazis au nord de Lyon lors des combats des 19 et 20 juin 1940 et à leurs semblables inhumés avec eux à Chasselay.
En 2020, Julien FARGETTAS a écrit un livre très documenté sur ces combats, à l’occasion du 80ème anniversaire. Baptiste GARIN venait de découvrir l’album-photo personnel d’un militaire allemand représentant cette tragique page d’histoire à la fois lyonnaise, africaine et allemande. Ces exceptionnels clichés privés ont permis de constituer le cahier central CHASSELAY : ANATOMIE D’UN MASSACRE au cœur du livre de J. FARGETTAS. Cet ajout d’une rare qualité documente de façon inattendue ces événements militaires, révélant surtout les visages terrifiés des jeunes soldats sur le point d’être lâchement abattus, les nazis leurs déniant le statut de militaires, parce qu’ils étaient noirs !
Désormais un récit pour le grand public
10 novembre 2021, sortie du numéro 83 de la revue historique en bandes dessinées Les rues de Lyon. Il est consacré au Tata de Chasselay, lieu franco-africain de mémoire nationale, situé dans le Rhône. On y a aussi regroupé les corps d’autres Tirailleurs morts au combat sur d’autres théâtres d’opération.
L’empreinte de Louis Thomas ACHILLE
C’est par une petite-fille de celui-ci, Véronique REVILLOD, que la scénariste en est venue à s’intéresser au Tata sénégalais de Chasselay ayant scénarisé en juillet 2018 le numéro 43 des Rues de Lyon : Louis Thomas ACHILLE, de la Négritude aux Negro spirituals.
Ancienne choriste du fondateur du Park Glee Club®, l’auteure évoque le contexte singulier des combats et du massacre du 25ème Régiment des Tirailleurs Sénégalais (RTS) au lieu-dit « Vide-Sac » en juin 1940 et les nombreuses péripéties de la création du Tata, liées à la nature des victimes, à la situation politique de la France, à la concurrence mémorielle…
Elle évoque également la révolte des anciens combattants africains à Thiaroye (Sénégal), floués par l’Etat français en décembre 1944.
Enfin, le scénario intègre différentes figures africaines formées militairement par la France dont le sort s’est orienté parfois dans des directions opposées.
Enfin, au terme du récit, Hélène MARIE évoque l’initiative première de Louis Thomas ACHILLE au Tata qui a permis jusqu’à ce jour d’entretenir le souvenir, y compris au-delà de frontières de toutes sortes.
En images au cœur du massacre
Ce sont des esprits de deux couleurs différentes qui ouvrent la narration, redonnant vie à certaines victimes du massacre, les mettant en dialogue.
Le choix de Valentine DE LUSSY d’une ligne graphique claire oppose au rouge vif des murs du Tata (enceinte de terre sacrée), rappelant la latérite africaine, au bleu presque « horizon » ressemblant à celui de la guerre de 14-18. Ce contraste caractérise le grand trouble national consécutif à la demande d’armistice du maréchal Pétain, annoncée l’avant-veille des combats.
Grâce aux Rues de Lyon, cette visibilité nouvelle des soldats français sénégalais*, devenus chair à canon, lève le mystère sur l’espace sacré « africain » qui surgit au milieu des vergers et du maïs au nord des Monts-d’or.
La découverte photographique récente de Baptiste GARIN aura permis à la dessinatrice une grande authenticité qui laisse néanmoins la revue lisible par tous.
La stèle du sergent SAMOURA Kamba, personnage principal de la BD – Les auteures devant celle-ci – La vignette du héros – Photo et montage Jean-Louis ACHILLE – Dessin Valentine DE LUSSY – 2021
Un combat inégal
En juin 1940, les troupes allemandes se sont dirigées vers les Alpes, passant par la Somme pour éviter Paris. Solidement équipées, les deux colonnes ennemies devaient rejoindre les troupes de Mussolini suite à l’entrée en guerre, le 10 juin, de l’Italie. L’objectif était de prendre en tenaille les troupes françaises dans les Alpes : Allemands d’un côté, Italiens de l’autre. Mais les Chasseurs alpins français feront barrage.
A l’arrivée des nazis dans le Rhône par les Routes Nationales 6 et 7 au nord de Lyon, Montluzin et Chasselay sont tenus par les Tirailleurs sénégalais et le 405ème Régiment d’Artillerie et de Défense Contre Avions (R.A.D.C.A.). Les blindés de la Wehrmacht rencontrent une première résistance depuis Dijon alors que la capitulation du maréchal Pétain leur faisait penser qu’il y en aurait peu.
Les combats sont rudes dans cette zone agricole. L’implication des religieuses âgées du couvent de Montluzin est citée en quelques vignettes, le régiment de tirailleurs et les batteries d’artillerie s’y étant installés.
Mais matériel et compétences militaires font vite défaut chez les combattants français malgré la détermination de la Coloniale qui a pour honneur de livrer bataille jusqu’au bout.
Le 25ème R.T.S. avait été constitué surtout avec des coloniaux de la partie africaine de l’empire français, arrivés depuis peu dans l’hexagone. Ils étaient mal préparés et sous-équipés. Dans ces conditions précaires, ils devaient défendre l’entrée nord de Lyon, ville que Pétain avait pourtant fait déclarer « ville ouverte » la veille. L’ordre n’était pas parvenu dans cette zone des combats. Le massacre aurait pu leur être évité !
Les français seront alors faits prisonniers, mais les nazis vont les trier : les blancs d’un côté et les noirs d’un autre.
« Ils n’avaient aucune pitié »
C’est en ces termes que les Tirailleurs africains décrivirent la mort atroce qui semblait les attendre au lieu-dit « Vide-Sac », à quelques centaines de mètres du village de Chasselay. Quelques rares survivants raconteront le drame et les photos allemandes ont récemment parlé.
Placés dos aux tirs des blindés allemands, parce qu’ils étaient noirs, ce traitement leur sera fatal, à la différence des prisonniers blancs emmenés et maintenus en vie dans le village de Chasselay puis à Lyon.
Face à cette haine idéologique nazie, Hélène MARIE évoque le courage et la bravoure des Chasselois qui, dès le lendemain, firent le nécessaire pour donner une première sépulture aux corps noirs déchiquetés.
Plus tard le préfet du Rhône confiera à Jean-Baptiste MARCHIANI la tâche de rassembler les corps des Tirailleurs sénégalais pour les inhumer ensemble. Mais le gouvernement de Vichy ne donnant aucun moyens financiers pour le faire, MARCHIANI devra payer le terrain sur ses propres deniers.
Ce n’est qu’en 1966 que le Tata sénégalais de Chasselay prendra le statut de Nécropole nationale.
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12 pages couleur – format A4 – le numéro : 3 €uros en librairie et en ligne ou par abonnement auprès de l’éditeur : L’épicerie séquentielle
* les Tirailleurs provenant de différentes parties de l’Afrique Occidentale Française (A.O.F.) et de l’Afrique Equatoriale Française (A.E.F.), ils étaient rassemblés au Sénégal afin d’embarquer pour l’hexagone, d’où la dénomination de « Tirailleurs sénégalais »