ECRIRE LE MONDE NOIR – Paulette NARDAL

La publication d’Ecrire le monde noir Paulette Nardal est un évènement majeur.

Depuis qu’ils ont été rédigés par l’autrice dans la seconde moitié des années 1920 et la première des années 30, ses écrits et articles de presse sont restés dans leur immense majorité dispersés et quelque peu oubliés dans des bibliothèques et fonds d’archives.
C’est à Brent Hayes Edwards, professeur de littérature à l’Université Columbia (New York) qu’il faut rendre un hommage appuyé pour avoir mené un travail considérable et minutieux afin de les retrouver et les rassembler.
Il a fallu aussi la résolution sans faille des éditions Rot-Bo-Krik pour pouvoir aujourd’hui, enfin, accéder à ce corpus, essentiel pour documenter la pensée de Paulette Nardal, pionnière de la Négritude. La présentation des textes par Brent Hayes Edwards et Eve Gianoncelli qui ouvre le livre les contextualise et en propose une précieuse analyse d’ensemble.

Ecrire le monde noir est d’une densité remarquable. Ses 370 pages recueillent bien sûr les écrits fondateurs tels que Eveil de la conscience de race (publié dans La Revue du monde noir rééditée en 1992 avec une préface de Louis Thomas Achille) et les célèbres Guignol Wolof de Paulette ou Pantins exotiques et L’internationalisme noir de Jane Nardal. Mais on y découvre aussi un regard acéré et lucide sur ce Paris noir des Années folles, comme dans Le Nouveau bal nègre de la Glacière : Paulette Nardal croque en quelques pages cet îlot où la diversité noire se décline en multiples carnations qui n’échappent pas à l’autrice, dupe en rien de la place des Noirs en ce lieu de fête, le tout emmené par la clarinette du guyanais Stellio au sommet de sa notoriété. De même, l’observation fine de la vie aux Antilles décape avec finesse l’image exotique pour laisser apparaître la structure coloniale de chaque instant, de toute relation. L’écrire dans les années 20 était audacieux.

L’ouvrage permet d’approfondir la connaissance de la dimension politique de Paulette Nardal avec son engagement contre l’invasion de l’Ethiopie par l’Italie mussolinienne en 1935. Cinq textes cadrent avec fermeté la question aussi bien du point de vue des concessions coloniales à ne pas faire à l’Allemagne hitlérienne que de la position ambiguë de la France, démontrant un acquis majeur de ce conflit : il a cristallisé la question noire et « forcé les Noirs à réfléchir à leur situation de « colonisés ».

Enfin et surtout, le sujet le plus traité par Paulette Nardal est sans conteste la femme noire. Présente au cœur d’une nouvelle (Histoire martiniquaise) ou occupant entièrement une série de textes consacrées à L’Antillaise, ou encore campée dans le portait remarquable de « la première femme sculpteur noire » Augusta Savage, habituée du salon de Clamart, la figure féminine noire omniprésente confirme la place essentielle de Paulette Nardal dans l’émergence de cette conscience-là aussi.

L’importance historique de la sortie de Ecrire le monde noir est renforcée par :

Ces publications concomitantes sont un signe qui ne trompe pas de l’actualité de ces figures. Elles ouvrent une période nouvelle pour la connaissance et la reconnaissance des sœurs Nardal. Leur place va être plus finement comprise par leurs textes, par ceux qu’elles inspirent aujourd’hui et ceux qu’elles susciteront demain car il reste encore tant à découvrir des pionnières de la Négritude.

Rencontrer les auteurs et l’éditeur de Ecrire le monde noir Paulette Nardal

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