A l’occasion de l’événement éditorial
aux éditions Autrement1
Les sœurs Nardal
À l’avant-garde de la cause noire
Interview exclusive de l’autrice Léa Mormin-Chauvac
Archipel éditorial
Paulette Nardal, théoricienne oubliée de la négritude fut le premier article de Léa Mormin-Chauvac écrit pour Libération le 26 février 2019, au moment où paraissait chez L’Harmattan un recueil d’entretiens : Fiertés de femme noire – Entretiens/Mémoires de Paulette Nardal – Philippe Grollemund – (2019).
J’avais été impressionné par la capacité de cette jeune journaliste à synthétiser de façon aussi pertinente la vie complexe et méconnue de cette grande martiniquaise qui se trouve être ma grand-cousine. Une vie riche et pourtant oubliée car peu documentée, mais surtout un parcours féminin engagé, occulté par la domination masculine largement en vigueur quand il s’agissait d’écrire l’histoire, au début du XXème siècle. L’actualité éditoriale chez L’Harmattan aura donc été le facteur déclenchant d’un regain d’intérêt qui se confirmera chez Léa pour les sœurs Nardal, et plus particulièrement pour Paulette qui fut l’aînée des sept.
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En juin 2021 c’est à un scénario de bande dessinée, à nouveau sur les sœurs Nardal, que Léa Mormin-Chauvac se consacrera pour le numéro 2 de la revue féministe La Déferlante avec des dessins de Raphaëlle Macaron. Dans les textes d’accompagnement, elle expliquera comment, en raison de la rareté des sources, elle a dû faire en partie appel à la fiction pour permettre au récit d’être attrayant. Il s’agissait alors de sensibiliser à la dimension plutôt féministe de l’engagement des fameuses sœurs martiniquaises.
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Rencontre
Ma première rencontre avec Léa Mormin-Chauvac aura lieu à Lyon le 10 octobre 2021, dans le cadre des Universités d’Automne du Mouvement Hommes/Femmes2.
Elle y animait, avec Philippe Grollemund (cf. supra), l’« Atelier Paulette NARDAL ». Personnellement j’y représenterai la famille Achille-Nardal.
Fonctionnaire ayant vécu un temps à la Martinique, Philippe Grollemund a fait partie de la chorale Joie de Chanter fondée à Fort-de-France en 1954 par Paulette Nardal.
L’initiateur des entretiens parus chez L’Harmattan s’était intéressé de près en 1975 à la riche personnalité de « Tante Paulette », comme aimaient à l’appeler affectueusement ses choristes.
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De l’écrit à la télévision
Journaliste auteure d’un portrait de Paulette Nardal puis scénariste de BD sur les sœurs Nardal, Léa Mormin-Chauvac a été repérée par la production d’un documentaire3 : Les sœurs Nardal, les oubliées de la négritude, pour l’écriture du scénario. Elle partagera la rédaction de celui-ci avec la réalisatrice à Marie-Christine Gambart pour La Case du Siècle – Outre-mer4.
Léa devient la plume idéale avec la réalisatrice, pour faire découvrir les sœurs Nardal, cette fois-ci à la télévision grand public5. La jeunesse de son regard porté sur ces invisibilisées permettra de toucher des non-initiés, éloignés de ces figures historiques.
Avant d’écrire, les coscénaristes M.-C. Gambart et L. Mormin-Chauvac ayant besoin de faire un tour d’horizon sur l’histoire de la famille Achille-Nardal et d’accéder aux archives du Fonds Louis Thomas Achille rencontreront plusieurs membres de la famille Achille-Nardal :
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à Paris, Léa rencontrera Etienne Achille, fils de Louis Thomas Achille. Dans le documentaire, il sera le porte-parole de la branche Achille, pour une partie du récit. Il dégagera les enjeux de cette reconnaissance tardive.
En 1973, il avait eu le privilège d’assister à d’autres entretiens avec Paulette et Jane Nardal, menés par son propre père Louis Thomas Achille, sur la genèse de La Revue du Monde Noir. A ce jour, ces entretiens sont encore inédits. -
À Irigny (Métropole de Lyon) Jean-Louis Achille, autre fils de Louis Thomas Achille, mettra à la disposition de la production les archives plutôt rares, principalement iconographiques, qu’on retrouvera dans la film.
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Léa a surtout rencontré, à Fort-de-France (Martinique), les descendantes des sœurs Nardal :
Cathy Bigon, fille de Lucy Nardal et Annie Ramin, fille de Cécile Nardal. Cette dernière représente la branche Nardal dans le documentaire.
Après validation du scénario par France Télévisions, le tournage du documentaire, débuté à la Martinique, s’est poursuivi à Irigny le 20 mai 2022. Puis l’équipe de MORGANE PRODUCTIONS s’est envolée vers New-York et a terminé son périple à Paris, avant les longues semaines de montage et mixage.
Outre la dimension professionnelle, ce voyage à Madinina6 semble avoir beaucoup marqué Léa Mormin-Chauvac dont une partie des origines sont martiniquaises, au point de vouloir y faire souche. Mais ceci lui appartient en propre.
Léa n’ayant pu se rendre disponible pour l’avant-première à France Télévisions, le 9 mars 2023, elle a demandé à son père de la représenter. Elle s’attelait déjà à l’écriture du livre que les éditions Autrement lui ont demandé.
Voici comment Léa Mormin-Chauvac a été amenée à écrire la première biographie de celles qui furent « à l’avant-garde de la cause noire » : les sœurs Nardal.
Pour situer ces « sisters »7 dans leur milieu familial on peut se référer à l’article
Les cousines NARDAL de Louis Thomas ACHILLE
qui expose la proximité avec leur cousin germain8
sur les terrains de la culture, de la foi, de l’engagement et de la transmission.
A venir à la télévision
Léa Mormin-Chauvac fait partie des 2 lauréats du Fonds Création & Diversité pour l’édition 2023 de France Télévisions et la SACD pour :
Sisters de Johanna Makabi et Léa Mormin-Chauvac
Production Bizibi, Sirens Films
Au printemps 2023, quatre projets ont reçu un financement pour l’écriture d’un pilote sur le thème « Femmes d’outre-mer ». Réunis le jeudi 28 septembre 2023, les membres du comité ont procédé à la dernière étape du fonds avec l’audition de ces 4 projets finalistes.
Les auteurs et autrices en lice, accompagnés de leur producteur ou productrice, ont ainsi pu présenter leur projet et l’esprit de leur série répondant aux critères du fonds. La délibération du jury a distingué deux projets lauréats mettant en scène des femmes ultramarines modernes et audacieuses.
Pitch : Paris, 1923. Léonie et Antoinette Laval, issues de la bourgeoisie martiniquaise, obtiennent une bourse pour étudier à La Sorbonne. Antoinette, l’aînée travailleuse et raisonnable et Léonie, la cadette effrontée et rêveuse, sont rapidement entraînées dans le tumulte du Paris des années 1920. Dès leur arrivée, elles doivent s’adapter aux codes de la Sorbonne dont la hiérarchie est dominée par les cercles littéraires du Quartier latin et par la Gazette, une revue qui fait la pluie et le beau temps parmi les étudiants. Elles vont devoir affronter le racisme, mais aussi nouer des liens qui vont changer leur vie et leur permettre de grandir : l’éducation politique et sentimentale des Laval sera pleine de péripéties.
Extrait du Communiqué de presse de FranceTV Pro du 03 octobre 2023
Jean-Louis Achille
17/04/2024
1Sortie concomitante aux édition Ròt-Bò-Krik du livre ÉCRIRE LE MONDE NOIR Premiers textes, 1928-1939 Paulette Nardal, Textes rassemblés et présentés par Brent Hayes Edwards et Ève Gianoncelli.
Léa Mormin-Chauvac y fera allusion à plusieurs reprises dans son essai.
2au Théâtre de la Croix-Rousse de Lyon
3MORGANE PRODUCTIONS et Une Prod’à Soi (coproduction)
4Diffusion le 12/03/2023 sur France 5
5Avant le documentaire de France 5, une autre documentaire hélas moins bien diffusé, avait été écrit et réalisé (2002) par Jil Servant : Paulette Nardal – La Fierté d’être négresse (Les Productions de la Lanterne) 52 minutes
6Autre dénomination de l’île de la Martinique
7 Sisters = sœurs
8qu’elles appelaient « Loulou »
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